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David Fray

Sing, Swing & Think





La crise du disque étant ce qu’elle est, nombreux sont les artistes chevronnés dont les contrats d’enregistrement ne sont pas renouvelés. Quant aux jeunes artistes, leurs chances de voir un éditeur discographique s’intéresser à eux sont infimes.

Le talent du tout jeune David Fray est tellement étincelant qu’il est l’un des rares pianistes de la nouvelle génération à avoir été récemment « signé » en exclusivité par l’une des « majors » actuelles « Virgin Classics », à la suite d’un unique concert, triomphal, donné au théâtre du Châtelet en juin 2006.

Son premier enregistrement, récemment paru, est consacré à des œuvres de Johann Sebastian Bach et de Pierre Boulez, un couplage qui en dit long sur l’originalité de son répertoire.

répétition avec la Deutsche Kammerphilarmonie, janvier 2008 - photo J. Baier


En janvier 2008, David Fray enregistrait, avec la « Deutsche Kammer Philharmonie Bremen » qu’il dirige du piano, son deuxième disque dont le programme comportait cette fois quatre concertos pour clavier et orchestre de Bach. Des concertos qui sont, avec les fameux « Concerts Brandebourgeois », parmi les œuvres les plus populaires, les plus stimulantes pour le public, de Bach

L’un des problèmes majeurs posés à l’interprète actuel de ces œuvres est qu’elles ont été « visitées » par Glenn Gould; ce « filou de Gould, qui y a déposé sa marque indélébile » ainsi que le décrit David Fray. En d’autres termes, il s’agit de savoir comment il est possible de jouer Bach après Gould. En le copiant ? Ce serait irréalisable et en tous cas sans objet, sinon ridicule. En s’en démarquant systématiquement ? Cela reviendrait à en faire une vaine copie en négatif, sans grand intérêt.

Mais la musique de Bach est si riche, si libre, que quantités d’options excitantes sont laissées à l’imagination de l’interprète, pour peu qu’il en soit pourvu, et l’imagination de David Fray est précisément l’une de ses caractéristiques les plus frappantes.

Quoiqu’il en soit, le film que nous avons réalisé autour de l’enregistrement des concertos de Bach avait pour objet de suivre David Fray dans sa quête d’une manière toute personnelle d’aborder ces œuvres royales.

tournage à Brême, janvier 2008 - photo J. Baier


De la façon la plus sobre, trois situations – bien évidemment entremêlées au montage - allaient nous fournir le décor du film :

La mise en présence d’un grand pianiste possédé par la fantastique expressivité de la musique de Bach, sachant très précisément ce qu’il voulait et ayant les moyens de le formuler et de l’exécuter, et d’un ensemble dit « baroque » était, on s’en doute, porteuse d’une situation potentiellement conflictuelle. Entre eux, comme on pouvait s’y attendre, des moments de grande tension n’ont effectivement pas manqué de se produire. Mais de même que tension et résolution sont à la base de toute musique, la qualité de leur écoute réciproque a fini par déboucher sur une divine entente telle qu’elle devrait toujours exister quand de grands musiciens, mettant de côté toute vanité et soucieux avant tout des « intérêts supérieurs » de l’art, se rencontrent. (Soit dit en passant, cette dialectique de tension et de détente n’est pas que d’ordre musical ; elle est également éminemment cinématographique. C’est en recourant à elle que nous avons construit l’axe souterrain qui structure le montage de ce film).

Le véritable style baroque ne saurait être enclos dans les limites de la recherche d’une illusoire authenticité instrumentale. Au-delà de la philologie, c’est dans l’esprit qu’il se situe, et c’est à cette hauteur que David Fray l’a retrouvé avec tant d’émouvante éloquence.

Bruno Monsaingeon.
à propos du film « Sing, Swing & Think : David Fray enregistre les concertos de Bach »





2010 - Lucas Monsaingeon - Idéale Audience